Le combat des hommes qui aiment les femmes trans
Nous parlons souvent de la discrimination et de la stigmatisation que subissent les femmes transsexuelles elles-mêmes au sein de nos sociétés et à travers le monde. Une autre forme de rejet est à souligner lorsqu’on évoque le phénomène de la transsexualité : celui dont sont victimes les hommes attirés physiquement ou sentimentalement par les trans.
Parce qu’elle bouleverse les codes, suscite parfois le dégoût ou le mépris, l’union entre un homme cisgenre et une femme transgenre est loin d’être socialement acceptée. Cette alliance ébranle les schémas du couple et se heurte à des valeurs sociales, familiales et religieuses fortes. Aux yeux de beaucoup, celle-ci n’est ni naturelle ni normale et serait condamnable.
Certains hommes ont choisi une transsexuelle comme partenaire de vie et souffrent régulièrement du regard que les autres portent sur cette attirance particulière. L’attraction d’un homme pour une femme transgenre apparaît tantôt comme un mystère tantôt comme une perversion ou une déviance sexuelle. Les mêmes questions relatives à l’ambiguïté des genres et à l’orientation sexuelle sont posées à ces hommes qui luttent pour que leur attraction ne soit en rien considérée comme pathologique ou socialement déviante. Comment les hommes « trans orientés » vivent-ils leur relation ? De quels préjugés sont-ils victimes ? Faisons le point sur le combat que mènent ces hommes aimant ouvertement ou secrètement les transsexuelles.
« Trans orienté » : ces hommes qui aiment les transsexuelles
L’expression « trans orienté » désigne une personne attirée par les transsexuels (hommes ou femmes). En anglais, on les appelle les « trans oriented » ou les « trans attracted ». Dans la terminologie anglophone de comptoir, on rencontre également d’autres néologismes, peu sympathiques pour la plupart, tels que « transfan », « transsensual » ou encore « tranny hawk » ou le fameux « tranny chaser ». Certaines de ces appellations sont évidemment empreintes d’une grande vulgarité et sont considérées comme des insultes. Elles témoignent de la violence que peut susciter une telle orientation.
Contrairement aux LGBT, il n’existe pas de terme officiel pour qualifier cette « catégorie » (on ne le répètera jamais assez : méfions-nous des catégories !). C’est ainsi que s’est développé, au gré des forums et des sites internet spécialisés, le concept de « trans orienté » qui a au moins le mérite d’aborder le sujet de manière assez neutre et respectueuse. (nb: pour plus d’informations, voir le site Transattracted.com, en anglais)
Une question alimente les débats de certaines conférences abordant la thématique du genre, celle de savoir si les « trans orientés » peuvent être associés à l’émergence d’une nouvelle orientation sexuelle qui se distinguerait de l’homosexualité et de l’hétérosexualité.
Une définition exacte de ce que recouvrerait précisément les « trans orientés » est pour l’heure impossible en raison de la complexité du terme « attraction » lui-même. En effet, qu’entendre par « attraction » à l’égard des trans ? Celle-ci peut-être alternativement romantique, physique, amoureuse, occasionnelle, répétée, exclusive ou préférentielle.
La stigmatisation des hommes trans orientés
Le nom de Laverne Cox ne vous est peut-être pas inconnu (vous la connaissez surement de Orange Is the New Black). Cette actrice américaine transsexuelle est une des porte-paroles les plus influentes de la communauté transgenre aux Etats-Unis. Fervente défenderesse de cette minorité, elle déclare dans le Huffingtonpost : « les hommes qui sont attirés par des femmes transgenres sont probablement stigmatisés plus que les femmes transsexuelles elles-mêmes ». En effet, les « trans orientés » sont confrontés à une série de préjugés à double entrée : d’une part, ils doivent composer avec les clichés dont leur compagne est victime et d’autre part, ils sont à la merci des jugements portés sur leur propre attraction.
La comédienne affirme également que la société a besoin d’une image positive de la transsexualité, véhiculée par une célébrité à forte personnalité (chanteur, musicien…), appréciée et reconnue pour son talent, qui pourrait alors dire sur le devant de la scène : « J’aime les femmes transsexuelles, elles méritent d’être aimées et je vais le dire publiquement ». Pour Laverne Cox, les « trans orientés » ont besoin d’un représentant qui serait un modèle sociétal et humaniste afin de renouer avec l’espoir de vivre authentiquement leur attirance. (article complet disponible ici, en anglais)
Aimer une femme trans: hétéro ou homo?
Ce qui semble déranger fondamentalement les psychorigides du genre et de l’orientation sexuelle, c’est qu’il est difficile de classer les « trans orientés » dans l’une des deux cases de cette summa divisio : hétérosexuel ou homosexuel ? Et pour cause, s’il est bien des personnes qui secouent le socle solide et fermé des études sociologiques sur le genre et la sexualité, ce sont les « trans orientés ». Du coup, lorsque l’incertitude plane et que nos jolies petites cases s’étiolent, il est aisé d’ouvrir le panier « fourre tout », celui des «anormaux » ou des « déviants ».
Pour débroussailler un peu la piste, voici les résultats d’un sondage réalisé récemment par My Transsexual Date :
- 70% des sondés s’identifient comme étant hétérosexuels et/ou « trans orientés » (ils aiment les femmes et les transsexuelles)
- Seulement 10% de ces hommes se considèrent comme bisexuels ou gays (ils aiment les hommes et les transsexuelles mais pas les femmes)
- Les derniers 20% représentent ceux qui pensent que « pansexuel » est le terme qui les définirait adéquatement ou bien alors ils estiment qu’il n’existe pas d’étiquette appropriée dans laquelle ils pourraient se reconnaître
Vivre cette attirance au quotidien : la croix et la bannière
Peu d’hommes « trans orientés » parviennent à vivre leur relation avec une transsexuelle de manière ouverte et parfaitement épanouie. Le sujet reste encore tabou pour une grande majorité des gens. La plupart d’entre eux préfèrent cacher cette attirance à leurs proches, par peur des représailles. Parfois, pour concrétiser leur attirance, ils s’orientent dans des rapports à risque et fréquentent des endroits à l’abri des regards indiscrets tels que les clubs échangistes ou libertins. D’autres ne se l’avouent pas entièrement et refoulent cette idée qu’ils préfèrent considérer comme un fantasme ou bien alors ils entament une relation adultère par intermittence. Le sentiment de honte et de culpabilité les empêche également d’accéder à un mode de vie serein et freine leur souhait de se mettre en couple avec une transsexuelle dont ils sont tombés amoureux. Il faudra sans doute que beaucoup d’eau coule sous les ponts pour qu’une telle liaison soit socialement tolérée. Pourtant, au-delà des stéréotypes qui sont le terreau de l’exclusion, il s’agit bien souvent d’une histoire de cœur et non de coucheries…
Pour l’heure, il faut une bonne dose de courage aux « trans orientés » pour affirmer et dévoiler au grand jour leurs choix sentimentaux. Et je dois dire: kudos aux hommes qui cherchent sincèrement l’amour sur un site de rencontres pour femmes trans.